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C’est un article de Mediapart daté de ce 11 janvier 2015.
"La philosophe Marie-José Mondzain, spécialiste de l’image, du regard et de la démesure, revient pour Mediapart sur les attentats de Paris."
Extraits :
"Il faut demander des comptes à une grande partie des médias sur leur gestion de l’invisibilité ou même de l’effacement d’une jeunesse en déshérence, en désarroi, sans avenir, sans racines, ni culture, ni langue, ni mémoire : une jeunesse qui n’a jamais eu qu’une place réservée à la Star Academy ou dans certains sports, pour accéder à la visibilité et à l’illusion d’une intégration."
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Après que la traque était terminée, que la tragédie s’était achevée dans le sang, qu’il n’y avait donc plus lieu de se lancer dans des appels à témoins, avez-vous remarqué comment BFMTV et bien d’autres n’ont cessé, vendredi 9 janvier, de 17 h 30 à minuit passé, d’afficher les visages des trois terroristes qui avaient donc été déjà reconnus, nommés, tués : un Noir et deux personnages « de type maghrébin », comme on dit, dont l’un avec un petit peu de barbe. Et ça revenait en boucle…Pourquoi ? Pourquoi, puisqu’ils sont morts, sinon que ces médias étaient en train de fabriquer des effigies, des icônes de la terreur, avec une typologie sous-jacente et silencieuse. Les télévisions d’information en continu ont imprimé, dans la rétine de nos concitoyens, des vignettes propres à nous embarquer dans un face-à-face anthropométrique. La télévision a transformé des visages en faciès.
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"Nous ne sommes pas tous pareils face à cet événement. Certains vont tenter d’en tirer parti politiquement ; d’autres le vivront d’une façon purement primaire et affective, haineuse parfois ; enfin une minorité, que je souhaite voir devenir majoritaire, entend donc réfléchir aux causes véritables et profondes de cette situation."
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